Fraîchement débarqué à Belgrade, je retrouve Milena, ma pote serbe, qui me traîne aussi sec dans un café miteux non loin de la gare. Sous la pluie battante, nous débarquons ainsi dans un genre de PMU serbe, peuplé de camionneurs imbibés au rakia, et animé par un improbable trio de talentueux (et kitsch) musiciens.
Nous sommes dans un bar à Kolo, cette danse en rond (« kolo » signifie « roue » en serbe) populaire dans les Balkans, et spécialement en Serbie. Les danseurs, en costumes, dansent par plusieurs douzaines bras dessus bras dessous au son de l’accordéon, de la flûte ou du tambura (la mini guitare du mini gypsy croisé en hongrie). Cependant, ici point de froufrous ni de pas de danse endiablés; tout le monde boit son jaja dans son coin pendant que la chanteuse, micro au poing, passe entre les tables pour chanter des chansons de comptoir niaiseuses aux camionneurs enchantés, prêt à lâcher des liasses pour cette bellâtre aguicheuse. Les musiciens, un accordéoniste et un synthétiseur, l’accompagnent avec talent, et c’est plutôt agréable à écouter, malgré les effets sonores du synthétiseur, kitsch à mourir, et la sono poussée tellement à fond qu’il est impossible de faire quoi que ce soit d’autre dans ce troquet que de noyer silencieusement sa misère dans son verre de rakia.
Bref, encore une fois, les enregistrements sont un peu sauvages, étant donné que j’ai enregistré directement en face de la sono, et la vidéo est inexistante, étant donné qu’un des camionneurs du bar m’a relouté, soit-disant qu’il était recherché par Interpol et que donc il ne devait apparaitre sur aucune vidéo. La prochaine fois je me fabrique un faux sac à main pour camoufler tout mon matos!
Peu importe, voici deux très beaux morceaux joués dans ce bar : Ederlezi, une chanson traditionnelle tzigane, chantée lors de la fête tzigane de l’Ederlezi, célébrant l’arrivée du printemps le 6 mai (cette fête serait en fait originaire de turquie, sous le nom de Hıdırellez, et j’ai eu la chance d’y participer à mon arrivée à Istanbul, mais c’est une autre histoire). Cette chanson, popularisée par Goran Bregovic dans le film « Le temps des gitans », a visiblement été aujourd’hui reprise par les serbes nationalistes qui en ont fait une sorte d’hymne.
Le second morceau, Ajde Jano, est une vieille chanson populaire serbe, dont les paroles ne sont rien d’autre qu’une invitation à la danse!